Je n'avais jamais entendu parler de ce mémorial. Je l'ai découvert lors de mon dernier séjour, quand je cherchais un point de vue pour un coucher de soleil. Je trace un circuit entre ce mémorial et les terrils jumeaux du 11-19.
Nous partons de la salle Salengro. Nous empruntons la ceinture verte.
Initialement conçu pour permettre le passage des convois miniers, cet ancien chemin de feer est aujourd'hui un élément phare de la politique de développement durable menée à Loos-En-Gohelle. Il permet aux piétons et aux cyclistes de rejoindre l'ensemble des équipements communaux de manière conviviale et sécurisée.
Année après année, au fil des projets, la ceinture verte se déploie, contribuant également au maintien et au retour de la biodiversité. En tranversant les zones en friche, vous entendrez peut être la mésange bleue, le rougequeue noir ou le bruant jaune.
Ce matin, la ceinture verte est perdue dans la brume. Elle nous offre une jolie vue sur la base du 11/19.
Nous arrivons au mémorial de la côte 70.
Le Parc mémorial de Cote 70, dédié au Corps canadien qui a remporté la victoire dans la bataille de Cote 70 en août, 1917, a été complété le 2 octobre 2019. La pièce maitresse du mémorial est un obélisque qui représente la victoire du Corps canadien dans la bataille de Cote 70. On y trouve également une série de chemins dédiés aux six récipiendaires de la Croix de Victoria à Cote 70, ainsi que des squares dédiés aux régiments et soldats dont le rôle dans la victoire était le plus important.

Récit de la victoire canadienne
La victoire du Canada
La première victoire uniquement canadienne

Durant l’été de 1917, les Alliés étaient en train de perdre la Première Guerre mondiale. La Russie s’effondrait dans une révolution, la moitié de l’armée de France subissait une mutinerie et les iles de la Grande-Bretagne étaient de plus en plus étouffées par les attaques des sous-marins allemands sur les couloirs maritimes alliés. Les É.-U. avaient tout juste joint les Alliés, mais leurs forces étaient plus petites que celles du Canada.

Une énorme offensive britannique était planifiée en Belgique, près de Passchendaele, pour repousser les Allemands de la cote de la Manche, d’où opéraient leurs bombardiers et sous-marins. Mais les Alliés devaient d’abord dérouter les renforts allemands hors de Passchendaele. Une attaque de diversion allait alors viser la ville de Lens, qui avait été occupée par les forces allemandes. Le Corps canadien, conquérant récent de la Crête de Vimy, fut choisi pour mener l’assaut. Dans l’été de 1917, l’on mit pour la première fois le Corps sous la commande d’un Canadien, le lieutenant-général Sir Arthur Currie.

L’on avait ordonné à Arthur Currie d’attaquer Lens directement, mais il savait que la ville occupait une des positions les plus fortifiées du Front de l’Ouest; une attaque frontale pourrait lui coûter cher. Après s’être débattu avec ses supérieurs britanniques, Currie reçut finalement l’autorisation d’attaquer une cible stratégique plus importante : les terres élevées qui entouraient Lens. Cette région, en particulier un point désigné « Cote 70 », était vitale aux défenses allemandes. Currie savait que si l’ennemi perdait Cote 70, il s’efforcerait de la reprendre à tout prix. Currie calculait qu’en forçant les forces allemandes à se concentrer sur Cote 70, il réussirait à détourner les troupes ennemies vers Loos plutôt que vers Passchendaele.

L’attaque commença le 15 août 1917, lorsque les Canadiens saisirent les tranchées autour de Cote 70 dans un assaut préemptif. Convaincus que les Canadiens tentaient de percer leurs défenses à Lens, les Allemands lancèrent vague après vague de troupes en contrattaque sur les Canadiens, maintenant installés sur Cote 70. Vingt-et-unes contrattaques allemandes s’effondrèrent sur les positions canadiennes dans les quatre jours suivants, chacune repoussée par les armes, le courage et l’esprit des guerriers canadiens. Une seconde attaque par les Canadien, cette fois directement contre Lens, fut moins efficace et plus coûteuse, mais entraîna davantage de troupes allemandes dans la diversion. Les Canadiens subirent 9198 blessés et morts du 15 au 25 août; les Allemands perdurent plus de 20,000 combattants. Six soldats canadiens reçurent la Croix de Victoria pour leurs actions au cours des dix jours de combat à Cote 70 et à Lens. Un nouveau genre de combat avait été inventé par Currie et ses troupes canadiennes, avec des tactiques qui rendaient l’ennemi plus vulnérable. Grâce à ces dernières, le Corps canadien serait nommé « l’armée de choc de l’Empire britannique » dans la dernière année de la Grande guerre.
Royale Gendarmerie à cheval du Nord-Ouest
Cette place est dédiée aux hommes de la Royale gendarmerie à cheval du Nord Ouest (RGCNO) qui servirent avec le Corps expéditionnaire canadien (CEC) durant la première guerre mondiale.
La force fut établie en 1873 par le Premier Ministre Sir John Macdonald, pour imposer la loi et la justice dans les nouveaux territoires de l'ouest du Canada. la police montée combinait les fonctions militaires, policière et judiciaire.
Le patriotisme et le bénévolat étaient des caractéristiques de ce corps. Toutefois, ces qualités ne furent jamais autant mises en évidence que durant la Première Guerre mondiale. Au déclenchement des hostilités, plusisuers membres et anciens de la RGCNO rejoignirent le CEC qui grandissait rapidement. Plus de 2500 d'entres eux servirent le corps canadien et plusieurs furent hautement décorés, incluant 2 Croix de Victoria. L'un d'eux était Sir Archibald Cameron Macdonell, commandant de la Première division du Corps Canadien. Ce sont ses soldats qui allaient capturer le sommet vital de la Côte 70 durant la bataille du 15 août 1917.
Aujourd'hui la tradition de la RGCNO est poursuivie par la Gendarmerie Royale du Canada.
L'obélisque depuis la place Sir Arthur William Curie.
Sir Arthur William Currie était surnommé "Bedaines et Guêtres" par ses hommes. Il est l'un des grands tacticiens militaires canadiens de la Grande Guerre. Après avoir commandé avec susccès la 2ème brigade canadienne lors de la seconde bataille d'Ypres en 1914, puis la 1ère division lors des combats à la Somme et à la crête de Vimy, Currie reçoit le commandement du Corps Canadien en juin 1917. C'est un homme peu charismatique. Avant la guerre, il abandonne l'université , devient artilleur dans la milice, puis un homme d'affaire dans le domaine de l'immobilier. Il ne possède pas la grande expérience militaire qu'avaient les officiers généraux britanniques. Toutefois, Currie comprend la guerre moderne. Grâce à son souci du détail, même durant les combats du front occidental, Currie gravit rapidement les échelons. La bataille de la Côte 70 est sa première opération d'envergure en tant que commandant du Corps canadien. C'est aussi la première fois qu'un Canadien dirige cette formation.
Arthur Currie est l'architecte en chef de la victoire de la Côte 70. En plus de déterminer l'objectif de cette bataille, c'est lui qui en conçoit le plan d'attaque. Il convainc ses supérieurs hiérarchiques britanniques qu'attaquer la Côte 70 est préférable à un assaut direct contre Lens. Pl^utôt que de tenter d'y faire une percée, Currie prévoit de leurrer les Allemands et les amener à gaspiller leur forces en contre-attaquant le Corps canadien sur le versant le plus éloigné de la Côte 70. bien que surpris qu'un officier d'une milice coloniale ose contester leurs idées, les Britanniques finissent pas accepter son plan.
L'obélisque depuis le pont dédié à la mémoire de Frederick Lee, soldat canadien du 47ème bataillon de la Force expéditionnaire canadienne.
Frederick Lee
Frederick Lee était un canadien de la première génération, né le 19 novembre 1895 dans une famille de pionniers chinois. Arrivé en 1861, son père s'installa à Kamloops, en Colombie-Britannique. Lee était l'un de seulement approximativement 300 canadiens d'origine chinoise qui servierent au sein du Corps Canadien durant la Première Guerre Mondiale. Ces nombres peu élevés, toutefois dissimulent une histoire remarquable de courage et de détermination. A cause de la discrimination répandue à l'époque, très peu d'hommes de cette communauté eurent le droit de s'enrôler dans la Force expéditionnaire canadienne. Malgré ces obstacles, Frederick Lee réussit à s'enrôler et devint un mitrailleur des Rocky Moutin Rangers (172ème bataillon), et fût pus tard affecté au 47ème bataillon. Frederick Lee est mort à la Côte 70 le 21 août 1917. On ne lui connait pas de tombe.

172ème bataillon - Rocky Mountain Rangers
En 1916, le commandant des Rocky Mountain Rangers est autorisé à lever une nouvelle unité, le 172ème bataillon de Kamloops. Puisque plusieurs de ces recrues étaient originellement des membres des Rocky Mountain Rangers, la tête de mouflon de Dall et le nom de leur régiment furent ajoutés à l'insigne du bataillon. L'une des nouvelles recrues du bataillon était le soldat Frederick Lee.
En raison du taux élevé de victimes sur le front de l'Ouest, plusieurs formations, comme le 172ème, furent retirées de l'ordre de la bataille à leur arrivée en Angleterre pour que les soldats puissent êtree redistribués en renfort aux bataillons de première ligne déjà existants. Cela signifiait également que ces contingents n'étaient jamais officiellement déployés en actions, même si leurs soldats l'étaient. Plusieurs membres du 172ème finirent par servir au sein du 47ème bataillon qui avait été levé au Canada en 1914.
Le hasard voulu que le caporal Filip Konowal et le soldat Frederick lee servent les deux au sein du 47ème pendant la bataille de la Côte 70. Il est possible que les deux hommes se soient connus.
Filip Kionowal
Il était l'un des nombreux immigrants ukrainiens qui se sont portés volontaires pour le Corps expéditionnaire canadien pendant la Grande Guerre. Né sur le côté est de la rivière Zbruch, qui séparait la région de l'Empire tsariste et la région de l'Empire austro-hongrois, konowal n'a pas été soumis aux emprisonnements de ressortissants ukrainiens et d'autres européens en tant que sujet de pays ennemis pendant les années 14914-1920.
Konowal s'est battu aux batailles de la Somme, de la crête de Vimy et à la Côte 70. pour sa bravoure, il a obtenu la plus haute distinction militaire de l'Empire Britannique, la Croix de Victoria. une fois perdue, sa médaille est maintenant exposée en permanence au Musée canadien de la guerre comme souvenir de son courage.
Vue sur une structure de bowette depuis la place Royce
Bowette
Une bowette (prononcer bovette) est une des galeries principales d'un charbonnage, qui part du puits vers la couche à exploiter. Ces galeries sont rectilignes et creusées avec une légère pente. 

La place Royce
Cette place est nommée en l'honneur d'Allan Edward Royce. Allan dut parmi les dizaines de soldats canadiens blessés en action durant la Première Guerre Mondiale.
Il s'enrôla dans le 10ème bataillon à Calgary, en Alberta, le 26 septembre 1914. Royce et son unité furent parmi les premiers à être envoyés outre-mer. peu après son arrivée en Angleterre, Royce contacta une grippe qui lui fit subir de sévères pertes d'audition. Malgré cette déficience, il se rendit jusqu'en France où il combattit lors de la seconde bataille d'Ypres en avril et mai 1915. Après avoir subi plusieurs commotions causées par l'artillerie ennemie, il devint complètement sourd et dut être rapatrié au Canada en août 1915. Même s'il survécut à la guerre, son handicap auditif persista pour le reste de ses jours.
Le 10ème bataillon continua a joué un rôle clé lors de la bataille de la Côte 70 en capturant ses sommets. le soldat Harry Brown, du 10ème bataillon, fut décoré de la Croix Victoria pour sa bravoure à la Côte 70.
En 1939, le fils de Royce, Edward Allen Royce, s'enrôla dans l'armée canadienne et servit pour toute la durée de la Seconde Guerre Mondiale, s'élevant au rang de Lieutenant Colonel dans l'Artillerie royale canadienne. Ce père et son fils personnifient le sens du devoir citoyen qui poussa des milliers de Canadiens à servir leur pays dans les deux guerres mondiales. Leur volonté de se sacrifier pour le plus grand bien d'une nation est commémorée ici.
Je quitte cet endroit de mémoire et j'emprunte le cavalier du 12 pour rejoindre la base du 11-19.
Le cavalier du 12 est laissé en friche à la fin de l'époque minière dans les années 90. Il s'est naturellement reboisé et présente une riche biodiversité. Il a d'aiileurs dû être défriché par une entreprise afin d'en faire un lieu accessible aux promeneurs.
Aujourd'hui, vous rencontrerez principalement des robiniers, une essence locale d'arbre, traditionnellement implantée dans la région. Si le robinier adopte une forme particulière, c'est qu'il est soumis aux propriétés du sol schisteux, qui ralentissent sa croissance.
Moineau domestique - Passer domesticus
Moineau domestique - Passer domesticus
Pinson des arbres mâle - Fringilla Coelebs
Pinson des arbres mâle - Fringilla Coelebs
Les terrils et les Loosois
Les deux gigantesques "montagnes" que vous apercevez au loin sont appelées "terrils". Elles sont composées de roches stériles et de déchets, qui étaient remontés lors de l'extraction minière, puis séparés du "bon" charbon au cous des opérations de triage effectuées en surface. Ces roches et déchets étaient ensuite acheminés et accumulés en extérieur pendant plusieurs années, pour composer aujourd'hui ces terrils haits de 186 mètres (146,50 mètres de dénivelés, soit exactement la hauteur de la pyramide de Khéops.
De nombreux terrils ponctuent le paysage du bassin minier. Certains ont disparu, d'autres sont revégétalisés, d'autres encore sont les supports d'activités de loisir... Ils constituent des éléments identitaires forts pour les loosois et les habitations du bassin miniier.
Je rejoints la voiture, par la défricheuse Est.
Sans vous en apercevoir, vous cheminez dans un dédale d'expériences et d’innovations. Observez par exemple les espaces verts environnants. ils font l'objets d'une gestion différenciée : les essences choisies sont locales, le désherbage manuel et les produits phytosanitaires sont bannis, des prairies fleuries sont entretenues pour favoriser la biodiversité, le recours au paillage permet des économies d'eau et les bulbes plantés autour des arbres évitent d'abîmer les troncs lors de la tonte.
Le sol claire sur lequel vous marchez délimite les voies de circulation douce et permet grâce à ses propriétés d'évacuer facilement les eaux de pluie en temps de crue. Enfin, le mobilier urbain composé de cubes en bois a été conçu par un groupe d'habitants désireux de s'impliquer dans l'amélioration du cadre de vie.
Les textes de cet article sont extraits des sites
De la commune de Loos-En-gohelle : https://www.loos-en-gohelle.fr/
Du mémorial de la côte 70 : https://www.hill70.ca/Accueil.aspx
De la signalétique en place sur sites visités et les chemins empruntés
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